par Vincent Beghin avril 02, 2023
Le monde de la philatélie à Paris est unique en son genre : tous les magasins de timbres de Paris (ou presque) sont regroupés sur quelques centaines de mètres dans le quartier Drouot. C’est un quartier que je connais sur le bout des doigts (puisque j’y exerce moi-même en tant qu’expert en estimation de timbres de collection). Je vous propose d’en découvrir tous les secrets - et vous allez voir qu’ils sont nombreux !
Le cas est unique en Europe (et peut-être au monde) : quasiment tous les magasins de timbres se situent dans trois rues seulement des 2e et 9e arrondissement , à proximité du métro Rochelieu-Drouot, qui sont le passage des Panoramas, la rue Drouot et la rue de Châteaudun.
Vous vous demandez peut-être quelle raison tout le microcosme de la philatélie à Paris a cru bon de se réunir au même endroit ? Tout simplement en raison de la présence de l’hôtel Drouot, qui est le plus grand hôtel des ventes au monde, avec plus de 500 000 objets vendus par an… dont de nombreuses collections de timbres.
Les marchands de timbres parisiens ont tout simplement voulu s’établir au plus près de cette salle des ventes, pour ne rater aucune des collections qui y sont proposées. Par ailleurs, il est pratique pour eux de se voir quotidiennement : cela leur permet de faire des échanges ou de se vendre des timbres entre eux, en fonction de leurs spécialités (les timbres de France, les lettres anciennes, les timbres rares, etc.).
C’est une bonne question : en effet, quel intérêt peut-il y avoir à se promener dans un quartier de Paris qui compte principalement des commerces philatéliques, si l’on ne collectionne pas soi-même ? Vous allez constater qu’il y en a beaucoup, qui vont probablement vous amener à visiter ce quartier non pas une fois, mais plusieurs fois.
Vous l’ignorez peut-être, mais lorsqu’une vente aux enchères est organisée, les lots qui la composent font l’objet d’une exposition dans les jours précédant la vente, afin que les acheteurs potentiels aient le loisir de les examiner. Ces expositions sont totalement gratuites et libres d’accès.
Ce qui fait le principal intérêt du quartier de la philatélie à Paris est donc sans conteste la présence de l’Hôtel Drouot qui compte à lui seul 14 salles d’exposition différentes. Je vous parlais tout à l’heure des collections de timbres, mais celles-ci ne constituent qu’une petite fraction des lots qui passent quotidiennement en vente. Parmi les lots incroyables que j’ai eu l’occasion d’admirer récemment, je peux citer : un tableau de Brueghel le Jeune (retrouvé tout à fait par hasard lors d’un inventaire quelques mois plus tôt), un squelette de dinosaure vieux de 145 millions d’années ou encore une toile inédite de Van Gogh, disparue depuis plus de 100 ans et jamais exposée. Chaque semaine, ce sont ainsi pas moins de 30 à 40 expositions qui sont organisées.
Pour préparer votre visite dans le quartier de la philatélie à Paris, rendez-vous sur la page agenda du site de l’Hôtel Drouot, sur laquelle vous trouverez le programme des expositions prévues dans les semaines à venir et consulter en ligne leur catalogue.
Mon conseil : ne vous intéressez pas prioritairement aux “ventes classiques”. Sous ce terme, les commissaires-priseurs désigne les ventes dans lesquelles ils écoulent le “tout venant” (mobilier, tableaux d’intérêt mineur). Intéressez-vous plutôt aux ventes spécialisées (art contemporain, art du XVIIIe siècle, etc.) ou encore aux successions (en décembre 2022, ce sont ainsi les collections de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing qui ont été dispersées). Et n'oubliez pas : dans 90 % des cas, les lots proposés vont rejoindre des collections privées. A l'hôtel Drouot, vous bénéficiez d'une occasion unique de les voir : ensuite, ils ne seront plus accessibles au public.
Sachez enfin que se situent dans le quartier, entre les boutiques de marchands de timbres, quelques salles des ventes plus petites, tenus par des commissaires-priseurs qui font “bande à part”. Les plus intéressantes sont Rossini, Millon et La Salle. Ne les négligez pas : j’ai personnellement visité une superbe exposition consacrée au Street Art chez Rossini en juin 2022 et, parmi les autres expositions phares, on peut citer celle des collections de Bernard Tapie le 12 avril 2023 à La Salle.
Ne croyez pas qu’enchérir en salle des ventes est un plaisir réservé aux marchands de timbres de collection ou aux marchands d’art pouvant débourser plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’euros, bien au contraire ! D’une part, dans chaque vente (ou presque), se trouvent des lots qui se vendent à moins de cent euros. D’autre part, il existe des ventes spécialisées susceptibles de satisfaire tous les goûts, telles que des ventes de vêtements de créateurs et de maroquinerie (avec de belles affaires à faire : certains de mes collègues marchands de timbres s’habillent ainsi quasi exclusivement en salle des ventes), de bandes dessinées ou encore de cartes Pokémon.
Là encore, pour préparer votre visite, consultez le site de l’Hôtel des Ventes où vous trouverez le catalogue de chaque vente, présentant une description de chaque lot mis en vente, accompagnée (le plus souvent) d’une photographie et d’une estimation. Attention : les estimations sont des fourchettes de prix indiquant le prix qu’un lot est susceptible d’atteindre, mais dans la réalité, le prix atteint peut être inférieur (cas peu fréquent) ou supérieur (cas très fréquent).
Le jour de la vente, arrivez au moins quinze minutes avant l’heure d'ouverture indiquée. Pourquoi ? Tout simplement parce que les places assises sont limitées et que les ventes durent souvent plusieurs heures. Vous verrez donc, à l’ouverture, les habitués se ruer sur les chaises (non sans se bousculer et, parfois, en s’invectivant copieusement) pour s’assurer les meilleures places.
Quelques minutes plus tard, la vente commence. Le commissaire-priseur, juché sur une estrade, mène et anime la vente. Il présente brièvement chaque lot ou délègue cette tâche à l’expert qui a rédigé le catalogue. Ensuite, c’est le jeu des enchères qui commence : chaque personne présente dans la salle peut enchérir en levant la main (ou parfois un panonceau), et le commissaire-priseur fait progresser les enchères par seuil (de 10 euros en 10 euros ou de 100 euros en 100 euros, par exemple), jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’enchérisseur. Retentissent alors le coup de marteau et le célèbre “adjugé !” qui indiquent que l’objet est définitivement vendu.
Assister à une vente aux enchères est déjà un spectacle en soi, mais le plus intéressant reste bien-sûr d’enchérir soi-même. Pour le faire, sachez que vous n’avez nul besoin de vous inscrire au préalable. En revanche, si vous remportez un lot, un commissionnaire viendra prendre en dépôt votre pièce d’identité et/ou votre carte bancaire qu’il conservera jusqu’à votre règlement.
Pour effectuer celui-ci, vous n’êtes pas obligé d’attendre la fin de la vente : vous pouvez vous diriger dès que vous le souhaitez vers la table dédiée aux paiements et régler en espèces (dans la limite de 1 000 euros) ou par carte bancaire. Attention : pour éviter toute mauvaise surprise, sachez que le prix atteint par le lot sera majoré d’un pourcentage (en général de 22 à 25 %) correspondant à la commission prise par la maison de vente. Ce pourcentage est indiqué dans le catalogue de la vente. En revanche, bonne nouvelle : vous pourrez emporter avec vous immédiatement le ou les lots que vous avez achetés, sans avoir à attendre.
Les boutiques de marchands de timbres de Paris, et le quartier Drouot en général, sont quelque peu restés figés à la “grande époque” philatélique, à savoir les années 1970 et 1980. S’y promener, c’est parfois s’offrir le plaisir de replonger dans un monde qui n’existe plus, celui des disques 45 tours, des Minitels et des télévisions à tubes cathodiques. Pour bien s’en imprégner, voici trois lieux par lesquels je vous conseille de passer lors de votre visite :
Il faut le reconnaître, le monde de la philatélie à Paris n’est pas réputé pour son amabilité : si vous poussez à l’improviste la porte d’une boutique de timbres de collection pour faire estimer une collection, il est possible que vous soyez accueilli par un monsieur d’un certain âge, d’humeur bougonne, qui vous demande de revenir un autre jour, car il n’est pas disposé à vous recevoir. Pour vous éviter ce genre de déconvenues, voici comment bien préparer votre visite :
Mon cabinet, situé 8 rue Drouot à Paris, fait partie des plus réputés à Paris pour l’estimation des collections de timbres. Nous serons bien-sûr ravis de vous recevoir pour évaluer notre collection... en vous accueillant toujours avec le sourire. Afin d’assurer au mieux la confidentialité des échanges avec nos clients, nous recevons sur rendez-vous. Prenez contact avec nous dès à présent pour faire estimer votre collection de timbres !
Les commentaires sont approuvés avant leur publication.