novembre 21, 2013
Jean de Sperati est un redoutable faussaire de la première moitié du XXe siècle, dont la production prolifique continue à circuler sur le marché philatélique et à tromper beaucoup de collectionneurs. Quel est son parcours ? Quels types de timbres a-t-il contrefaits ? Sa production est-elle dangereuse pour les collectionneurs ?
Enormément de légendes circulent sur le compte de Sperati, la raison étant simple : il les a, pour la plupart, créées lui-même, afin de dissimuler la vérité dans le sens de ses intérêts. Quelques ouvrages de fond, tel l'excellent Jean de Sperati, l'homme qui copiait les timbres de Lucette Blanc-Girardet (éditions Pachaft, 2003) permettent de s'y retrouver.
C'est au début du XXe siècle que Jean de Sperati (né en 1884 en Italie) commence sa carrière de faussaire, depuis Paris. Premier coup de maître en 1909 : le négociant Jean Cividini lui commande une reproduction d'un timbre rare de la Côte de l'Or britannique et l'envoie à un expert allemand, qui le renvoie en le déclarant authentique. A partir de cette date, Sperati crée des faux de timbres classiques à forte cote que ses commanditaires revendent en trompant les experts et les acheteurs.
En 1942, il est contraint de dévoiler son activité. En effet, un colis de faux timbres rares allemands envoyé à Lisbonne par ses soins est saisi par les douanes françaises. Croyant les timbres authentiques, l'administration l'accuse de n'avoir pas déclaré leur valeur réelle et veut le faire condamner pour fraude. ll croit pouvoir se défendre en avouant que ce sont des faux, mais les experts appelés en renfort sur cette affaire (Edmond Locard en 1943, L. Dubus en 1948) certifient l'authenticité des timbres et Sperati se voit condamné !
Sperati continue son activité jusque 1953, mais la fin de sa carrière se fait sous le signe des ennuis judiciaires : en 1946, une instance est engagée conte lui par le Chambre Syndicale des Négociants en Timbres-Poste pour production de faux timbres de collection et le jugement le condamne pour escroquerie, sa femme et sa belle-soeur étant déclarées complice. La Cour d'Appel, devant laquelle Sperati s'est pourvu, confirme en 1952 le premier jugement et le condamne à à deux ans de prison que son âge, toutefois, lui épargne. Il décède en 1957 à Aix-les-Bains.
Impossible de savoir avec précision tous les timbres falsifiés par Sperati lui-même n'en ayant pas gardé la comptabilité. Cependant, il est certain que de très nombreuses fortes valeurs de timbres classiques, notamment européens, sont concernés. Plus précisément, il semblerait que Sperati n'ait commencé à reproduire des timbres français qu'à partir des années 1940, sans doute en raison de la difficulté d'écouler à l'étranger sa production, en raison du contrôle des frontières pendant la guerre, et donc de la nécessité de se tourner vers le marché intérieur. Parmi les pièces bien connues des experts, on peut noter des Cérès 15c Vert (n°2 YT), Empire 1F Carmin (n°18 YT), Empire lauré 5F violet-gris (n°33 YT) et même des pièces moins rares, comme des Cérès 10c bistre-jaune oblitérés (n°1 YT).
Les différentes techniques d'impression utilisées par Sperati au cours de sa carrière n'ont pas toutes donné le même résultat. Certaines reproductions sont relativement grossières, d'autres d'un niveau de qualité particulièrement abouti. Globalement, les faux qu'il a imprimés en lithographie sont les plus dangereux et certains peuvent tromper même des collectionneurs méfiants et avertis. Bonne nouvelle, toutefois, si l'on vous annonce, après expertise, qu'un de vos timbres est un faux de Sperati. Certains philatélistes les collectionnent pour ce qu'ils sont et les achètent en connaissance de cause. Parmi les pièces les plus recherchées, figurent notamment les albums de présentation qui servaient au faussaire pour montrer ses œuvres à ses clients potentiels. L'un d'eux (vraisemblablement le dernier conservé intact) s'est ainsi vendu pour pas moins de 31 200 livres sterling à Londres en 2007.
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